Milton Hyland Erickson est né avec des troubles sensoriels et perceptifs : il est daltonien, amusique, arythmique et profondément dyslexique. Dès son plus jeune âge cette perception modifiée du monde lui fait prendre conscience du caractère relatif des cadres de référence des êtres humains.
Jeune homme sportif, solidement aguerri aux travaux de la ferme familiale, n’attendant que le moment où il pourra enfin vivre de sa passion, l’agriculture, c’est un événement tragique qui précipite Erickson du foin des champs au soin aux autres.
Le soin, d’abord pour lui-même.
A l’âge de 17 ans, Erickson est cloué au lit, paralysé par une sévère attaque de poliomyélite. Tandis que les médecins ne lui donnent pas une journée de plus à vivre, le jeune Milton refuse d’imposer à sa mère la mort de son fils. Pour dépasser la crise et rester en vie, Erickson expérimente, sans le savoir encore, une première expérience d’auto-hypnose.
Il vit l’expérience suivante, racontée par lui-même :
J’étais dans mon lit ce soir-là, et j’ai entendu que les trois médecins disaient à mes parents, dans la pièce voisine, que je serai mort le lendemain matin. Que quelqu’un puisse dire à une mère que son fils sera mort le lendemain matin me plongea dans une profonde colère. Ensuite, ma mère est entrée dans ma chambre, l’air aussi serein que possible. Je lui ai demandé de déplacer la commode, de la pousser contre le côté du lit selon un angle bien précis. Elle ne comprenait pas pourquoi, elle pensait que je délirais. J’avais du mal à parler. Mais ainsi disposé, le miroir de la commode me permettait de voir, à travers la porte, la fenêtre ouest de la pièce voisine. Il n’était pas question que je meure sans avoir vu à nouveau le soleil se coucher. Si j’étais un tant soit peu doué pour le dessin, je pourrais encore aujourd’hui représenter ce coucher de soleil. J’ai vu cet immense coucher de soleil qui remplissait tout le ciel. Pourtant, je savais qu’il y avait aussi un arbre devant la fenêtre, mais je l’avais gommé.
J’ai vu tout le coucher du soleil, mais je n’ai pas vu la barrière ni le gros rocher qui étaient là. J’ai tout gommé, sauf le coucher de soleil. Après avoir vu le soleil se coucher, j’ai perdu connaissance pendant trois jours. Quand j’ai fini par me réveiller, j’ai demandé à mon père pourquoi ils avaient enlevé la barrière, l’arbre et le gros rocher. Je ne me rendais pas compte que je les avais effacés en fixant mon attention avec une telle intensité sur le coucher du soleil.
Ensuite, quand j’ai commencé à récupérer et que j’ai pris conscience de mes handicaps, je me suis demandé comment j’allais gagner ma vie. J’avais déjà publié un article dans une revue nationale d’agriculture : « Pourquoi les jeunes quittent la ferme ». Je n’avais plus les forces requises pour être fermier, mais peut-être en aurais-je assez pour être médecin.Milton H. Erickson
L’attitude mentale d’Erickson, la mobilisation de toutes ses ressources pour survivre, son sens du défi l’ont tenu en vie. Le fait de « gommer » les obstacles devant le coucher de soleil est une expérience d’auto-hypnose.
Cependant, Milton Erickson sort totalement paralysé de cette crise, seulement capable de parler et de bouger les yeux. Ne pouvant se déplacer, il meuble son ennui par des jeux d’observation par lesquels il développe une capacité à percevoir les signes non verbaux. Il passe des heures entières à observer sa plus jeune sœur apprendre à marcher et s’en inspirera pour se rééduquer mentalement avec l’aide de l’auto-hypnose.
Erickson raconte :
Je ne pouvais même pas dire où se trouvaient mes bras et mes jambes dans mon lit. C'est ainsi que j'ai passé des heures à essayer de localiser ma main, mon pied, ou mes orteils, en guettant la moindre sensation, et je suis devenu particulièrement attentif à ce que sont les mouvements
Milton Erickson
Milton défie à nouveau les pronostics et se retrouve, debout, en capacité de marcher. Mais la polio a laissé des séquelles et Erickson doit abandonner son rêve de cultiver la terre. C’est vers une autre terre, non moins fertile, qu’Erickson se tourne alors, celle de l’inconscient. Ses efforts pour se rééduquer l’amènent à redécouvrir par lui-même beaucoup des phénomènes classiques de l’hypnose et la manière de les utiliser à des fins thérapeutiques.
Par la fenêtre de sa chambre, paralysé dans son fauteuil rocking chair, Erickson passe des heures à regarder les travaux des champs, ceux qu’il aimait tant. Un jour, il a tellement envie de sortir rejoindre les travailleurs que son fauteuil bascule comme s’il allait se lever. Plein d’espoir, il se met à travailler sur cet effet de l’imagination qui a réussi à faire bouger son corps paralysé. Erickson redécouvre les capacités idéomotrices de l’imagination décrites par Bernheim 45 ans auparavant.
En 1921, après onze mois d’entraînement, Erickson est capable de se tenir debout et marcher avec des béquilles. Six mois plus tard, il entreprend, seul, une randonnée en canoë à travers les Etats-Unis.
Plus tard il s’inscrit en médecine, et parallèlement en psychologie à l’université.
En 1923, il décide de mener ses propres recherches et commence à développer diverses techniques d’induction hypnotique permissive et indirecte.
En 1928, Milton Erickson obtient son doctorat en médecine en même temps que sa maîtrise de psychologie. Il sera également père de cinq enfants.
Erickson réfute l’hypnose classique directive et dirigiste. Il réfute aussi la volonté de trouver en hypnose, une « technique standard » qui ne tienne pas compte des différences individuelles.
Souvent décrié par ses pairs dans son approche permissive et indirecte de l’hypnose, Erickson refuse de fonder une école, refuse d’écrire une méthode, refuse toute approche dogmatique, mettant en avant la singularité de chaque demande. Précurseur dans le travail coopératif, Milton accepte d’être observé dans sa pratique. Il encourage chaque praticien à s’inspirer de ses séances dans le seul but de construire un style personnel d’hypnose en cohérence avec la personnalité du praticien et toujours centré sur la demande singulière de la personne qui le sollicite. Erickson, lui-même, ne refera jamais deux fois la même séance d’hypnose pendant toute sa vie de praticien.
Alors qu’il est âgé de 51 ans, Erickson est victime de la polio une seconde fois. Cette nouvelle attaque laisse, cette fois-ci, de graves séquelles. Erickson est encore plus handicapé qu’auparavant et le restera jusqu’à la fin de ses jours. Il souffrira également toute sa vie de douleurs chroniques. Ayant déjà traversé une épreuve similaire, Milton applique les stratégies qu’il a mises au point pour retrouver sa force musculaire. N’ayant récupéré que partiellement, il est par la suite contraint de se déplacer en fauteuil roulant. L’auto-hypnose permet à Erickson de soulager la souffrance de ses douleurs.
C’est à cette période qu’Erickson est convoqué devant une commission médicale pour répondre de ses actes : comment ose-t-il soigner aussi rapidement ses patients sans médicaments?! Le retrait de son statut de médecin est évoqué.
En décembre 1980, à Phoenix, a lieu le premier congrès international consacré à Erickson, cependant celui-ci meurt le 25 mars 1980 d’un choc septique, six mois avant la tenue de cette manifestation.
Aujourd’hui la pratique de l’hypnose thérapeutique a considérablement évoluée.
L’électroencéphalogramme mesure les ondes cérébrales relatives à l’hypnose. L’IRM montre concrètement les zones du cerveau activées pendant l’hypnose mais aussi les autres zones que l’expérimentation de l’hypnose permet de réactiver.
Le souvenir de Milton H. Erickson est celui d’un pionnier, un découvreur de génie qui a toujours conservé une attitude pragmatique face à l’hypnose. Cette attitude, ainsi que la référence constante à l’inconscient comme une entité protectrice de la personne, constituent le fondement d’un courant de pratique désormais nommé : hypnose Ericksonienne.
Toute sa vie Erickson aura lutté contre la standardisation de l’aide thérapeutique, mettant en avant la singularité de chaque personne en demande d’aide ou de soin.
Isabelle OLIERIC-CHUC
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